Immobilier et emploi des cadres : Voit-on la lumière au bout du tunnel ?
Partager cet article
Depuis le remaniement gouvernemental, les espoirs renaissent quelque peu chez les professionnels de l’immobilier résidentiel : Gabriel Attal monte en effet au créneau sur le logement, « l’une des urgences auxquelles le gouvernement doit se consacrer ». Simultanément l’étau se desserre en matière de solvabilité emprunteur, de taux d’emprunt et de conditions d’octroi des banques.
C’est encore très loin de résoudre les problèmes des professionnels de l’immobilier, et en particulier ceux des promoteurs qui se retrouvent confrontés à « une crise devenue systémique ».
La hausse des taux a fait des dégâts dans tous les métiers liés à l’immobilier, pas seulement dans la promotion immobilière et la transaction en ancien, mais aussi dans l’investissement, provoquant par effet de contagion des difficultés dans le bâtiment et chez bon nombre de conseils et prestataires de services liés aux activités immobilières.
L’emploi des cadres dans notre secteur a aussi souffert, en particulier à partir de septembre. Chez DVA Executive Search, la baisse finale de notre chiffre d’affaires recrutement a été de 20% au 31 décembre, compensée en partie par la montée en puissance de notre activité de talent development, améliorant notre baisse d’activité à 13% par rapport à 2022.
Janvier 2024 s’est déroulé dans la droite ligne des quatre derniers mois de l’année dernière, les caractéristiques saisonnières en plus : ralentissement des décisions de recrutement et de lancement de nouvelles missions, activité qui a de fait commencé en milieu de mois.
L’AMO et la construction ont dominé avec du management de projet, de l’ingénierie dans un organisme de certification, de la prescription France chez un spécialiste de l’éclairage architectural.
Nous avons achevé une mission de direction immobilière utilisateur d’une association à but non lucratif détenant un patrimoine de plus de 450.000 m² en propre, ainsi que plusieurs postes de commercialisation en galerie commerciale pour un spécialiste du retail, des responsables projets de construction chez un grand utilisateur et un autre dans la logistique, d’un Controller financier grands – projets, enfin, d’un directeur de programmes aménagement urbain chez un opérateur de l’accession sociale à la propriété.
À fin janvier, nous avons en cours une dizaine de recherches dans l’immobilier du commerce et de la distribution (postes de conception, achat, architecture et travaux, expansion en région), pour du conseil en commercialisation d’espaces commerciaux, de la direction de centre commercial en région, un directeur de la maîtrise d’ouvrage et de la construction grands projets d’une foncière spécialisée, un directeur technique chez un autre opérateur, un directeur commercial sur une partie de l’Europe du Sud d’une enseigne en fort développement.
L’ingénierie et la construction sont toujours présentes avec près d’une dizaine de missions : ingénieur expert construction, « construction project manager », directeur des métiers [de l’ingénierie], chefs de projet, directeur de la maîtrise d’ouvrage déléguée, responsable construction Ile-de-France, directeur énergie et développement durable, directeur de pôle préfabrication..
La valorisation d’actifs chez les investisseurs (SGP, opérateurs, fonds d’investissement et private – equity) ainsi que la gestion de biens restent résilientes avec plusieurs asset-managers, un « head of » pour l’Allemagne, un « senior sales » d’une part ; un directeur technique et un directeur des comptabilités mandants d’autre part.
Enfin, nous recherchons pour un organisme consulaire anglo-saxon un directeur du project management ainsi qu’un directeur de projets pour un opérateur de la logistique.
Si janvier a été très calme avec un « réveil » en milieu de mois, nous avons observé un rebond encourageant dans cette première semaine de février, avec un encours de propositions et de contacts en quasi-doublement à mi-février depuis un point bas à fin octobre, dont un plus grand nombre de postes de top management. D’ores et déjà, une mission de direction de projets maîtrise d’ouvrage au sein de la direction immobilière d’un grand utilisateur a été signée début février et d’autres sont à venir au sein du même groupe. Nous avons également rentré un poste de direction administrative et financière au sein d’un société de services en aménagement de bureaux et un responsable commercial pour un développeur – investisseur dans l’immobilier « retail ». Les négociations en cours portent sur plusieurs postes de direction générale, en promotion immobilier d’entreprise, en « retail » et dans les services, sur un poste de développement Ile-de-France promotion grands projets, un mandat d’administrateur indépendant, des recherches en matière de rapprochement et de croissance externe, des experts immobiliers confirmés.
De nombreuses discussions sont également en cours dans l’immobilier « retail » : directeur de centre commercial et asset manager en Europe du Sud, juriste spécialisé baux commerciaux, équipe d’investissement pour une foncière spécialisée, directeur de l’asset-management et plusieurs asset-managers dont un pour l’Allemagne, responsables immobiliers et expansion en Europe du sud et dans le Sud-ouest.
Dans les services nous sommes en contact pour la constitution d’une équipe de conseil en aménagement d’espaces tertiaires. Enfin, dans la promotion immobilière nous échangeons sur la recherche d’un directeur et d’un responsable technique, d’un poste d’efficience énergétique ; chez un opérateur en logistique nous négocions pour un directeur commercialisation et développement.
Cela peut sembler sécuriser un bon courant d’affaires pour le trimestre à venir, et c’est effectivement un encours important en négociation. Mais l’expérience de ces derniers mois et celle des crises précédentes nous montrent que les délais de négociation s’allongent considérablement en pareille situation et que le taux de transformation des contacts chute très fortement du fait d’abandon de projets ou de non-décision avec report à une date ultérieure, mais aussi d’une concurrence très forte, parfois prête à prendre une mission à n’importe quel prix.
Malgré ces constats encourageants, malgré un changement d’attitude des pouvoirs publics qui semblent prendre en main la crise de l’offre immobilière – mais pas encore celle de la demande – il est sans doute encore trop tôt pour conclure à une amélioration durable, d’autant que nous observons de plus en plus de départs de managers et dirigeants, Ile-de France et régions dans la promotion immobilière résidentielle, secteur ou la « chute cataclysmique de l’activité » comme l’exprime la FPI, impose des restructurations qui s’engagent par le haut et qui ne font que commencer. Les investisseurs institutionnels sont aussi concernés dans une moindre mesure et de façon plus sélective.
Avant de retrouver une situation stabilisée les promoteurs en résidentiel doivent faire face à un quintuple enjeu : résoudre les problèmes liés à leurs stocks invendus, réduire leur empreinte carbone, explorer des évolutions techniques et des matériaux afin de réduire les coûts de construction – et pas seulement la construction bois, lancer de nouveaux produits, certains en partenariat avec des investisseurs institutionnels, s’adapter à la rareté des opportunités foncières, de moins en moins en gré à gré, de plus en plus bâties, règlementées et sur appel d’offres. Il leur faudra plus de fonds propres, réinternaliser les forces de vente pour avoir des retours de leur clientèle sur leurs nouveaux produits, ce qui favorisera les grandes entreprises et les nouveaux entrepreneurs créatifs. Ils devront aussi multiplier les partenariats avec bailleurs sociaux, collectivités territoriales et leurs SEM/EPL, coordonnés par les élus, surtout dans les régions labelisées « Territoire d’Industrie 2023 – 2027 ».
En attendant les bailleurs sociaux sont aussi devenus des concurrents de la promotion privée, qui ont pris de l’avance sur les nouveaux produits avec le BRS, la diversification dans les services tels que l’administration de biens pour le compte de tiers, dans l’aménagement, dans l’énergie avec l’utilisation de la géothermie et le développement de panneaux photovoltaïques sur les immeubles de leur patrimoine, vendant leur électricité.
Quant à l’immobilier de bureau, en dehors du clé en main utilisateur, depuis la crise sanitaire et les changements d’usage qui ont suivi générant de fait un surplus d’offre particulièrement en périphérie, s’ajoutant à la hausse des taux d’intérêt provoquant la chute des valeurs et rendant impossibles bon nombre d’opérations, il ne retrouvera plus avant longtemps la position dominante qu’il avait dans l’investissement immobilier. Bon nombre de grands projets devront être entièrement reconfigurés au profit du logement sous toutes ses formes, des équipements publics, commerciaux et d’autres actifs alternatifs. Quant aux immeubles de bureaux livrés, vides et devenus inadaptés, ils feront l’objet, lorsque c’est possible, de transformation en logements, en résidences hôtelières, en établissement de formation, voire parfois vendus à la casse au prix du foncier après déduction du coût de démolition. La logistique dont celle de proximité, dans une certaine mesure les parcs d’activité, le commerce, l’immobilier de santé, les data-centers, retrouvent leurs vertus de classe d’actifs alternatifs correspondant aux besoins pour autant qu’ils soient en ligne avec les nouveaux défis des marchés et des métiers de l’immobilier.
Sophie Vatté et Laurent Derote